Phần tài liệu : lá thư thứ 1 |
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![]() Bagneux, le 9 août 2005 Madame Marie-Hélène AMIABLE Maire de la commune de Bagneux Hôtel de ville 57 Avenue Henri Ravera 92220 Bagneux Madame le Maire, Notre Association Bouddhique Khanh Anh, sis 14 avenue Henri Barbusse 92220 Bagneux, et moi–même, Vénérable Thich Minh Tam, président de l’association, avons été extrêmement surpris à la lecture de votre courrier, à notre retour du 17ième Séminaire Annuel Bouddhique Européen qui s’est tenu cette année du 21 au 31 juillet à Amiens. Le contenu de la lettre, datée du 26 juillet 2005, est un arrêté qui nous informe des deux faits suivants : Interdiction immédiate 1) de l'exercice de la restauration.
2) de l'accès au public à la cour intérieure de l'établissement. Nous citons votre texte : « l’exercice de la restauration et l’accès au public de la cour intérieure de l’établissement Association Bouddhique Khanh Anh, sis 14 avenue Henri Barbusse à Bagneux, sont interdits immédiatement ». Madame, nos intentions pour le moment ne sont pas de traiter de la validité de votre procédure sur le plan juridique, nous en avons confié l'étude aux instances judiciaires. Cependant, nous pensons que la pratique courante pour un organisme public - en particulier, une association religieuse – est de recevoir une notification préalable à toute venue d'une délégation administrative pour un examen sur place. De plus, la présence de l'intéressé ou d'un membre ayant délégation de pouvoir est nécessaire pour témoigner et signer le procès-verbal ; ensuite la procédure administrative peut se dérouler suivant la loi. En l’occurrence, pendant nos 10 jours d’absence (participation au Séminaire Annuel Bouddhique Européen à Amiens), il n’y avait à la Pagode Khanh Anh, au 14 avenue Henri Barbusse 92220 Bagneux, qu’un bouddhiste, Monsieur Le Van Bao, 84 ans, de nationalité danoise d’origine vietnamienne, ne maîtrisant que très peu le français, et souffrant de surcroît de problèmes auditifs. Le mardi 26 juillet, une délégation de la ville de Bagneux –Monsieur Le Van Bao ne pouvait reconnaître la qualité de ces visiteurs - est venue inspecter de fond en comble la Pagode et a réalisé un compte-rendu. Vous avez, Madame le Maire – ou plus exactement votre adjoint – signé l’arrêté le jour même, mardi 26 juillet 2005. Au vu du caractère expéditif de la procédure usitée, nous doutons, tant sur le fond que sur la forme, de sa rigueur et de sa conformité aux règlements en vigueur. Mais, comme nous l’avons évoqué précédemment, nous faisons appel aux instances judiciaires pour juger de la validité de votre procédé. Dans ce courrier, nous préférons vous entretenir des deux points que vous avez évoqués dans votre arrêté. Madame le Maire, l’Association Bouddhique Khanh Anh est une communauté religieuse (bouddhisme vietnamien) reconnue par la loi du 1er juillet 1901 – décret du 16 août 1901. Elle a été déclarée le 31 mars 1976 à la préfecture du Val de Marne. Son siège a été transféré à Bagneux (Sous- Préfecture d'Antony) le 1er avril 1977 (J.O. du 29 avril 1977). Depuis trente ans, l’Association Bouddhique Khanh Anh exerce ses activités dont le but est, tel qu’il est écrit dans les statuts, d’« assurer l’étude, la pratique et la vulgarisation de la doctrine bouddhique en France » et également de préserver la culture bouddhique pour les Vietnamiens dont une grande partie a dû s'exiler et demander l'asile politique en France après les évènements de 1975. Aujourd’hui, trente ans plus tard, ces mêmes personnes sont devenues des citoyens français. Leurs enfants sont nés et ont grandi en France. Toutes se sont accomplies, elles travaillent et apportent leur contribution à la France, tels les autres citoyens de la République Française. A l'évidence, toutes ces personnes sont d'origine vietnamienne et la grande majorité (environ 80%) pratique le Bouddhisme et le culte des ancêtres. Même celles dont la religion n’est pas le bouddhisme (entre autre celles qui ont des conjoints d’autre confession) se rendent à la Pagode pour prier les jours de commémoration du décès de leurs parents et pour célébrer les fêtes telles que celle du Têt (célébration du nouvel an lunaire) ou encore celle de Vu Lan (célébration de la Piété Filiale, événement semblable à celui de la Toussaint). Ces traditions existent au Vietnam depuis plus de 2000 ans, et ont marqué son histoire. Nous ne souhaitons pas insister sur ce sujet : l’histoire de la France et celle du Vietnam se sont liées il y a un siècle, aussi les Français comprennent-ils, plus qu’aucun autre peuple, les Vietnamiens, leurs us et leurs coutumes. Parmi ces pratiques, le culte des ancêtres a une place prépondérante. Le jour de la commémoration de la mort de leurs parents, après les prières suivant le rite bouddhique, les gens présentent un plateau de nourriture en guise d'offrandes aux disparus. Ensuite, parents, enfants et amis, se retrouvent en harmonie autour d'un repas dans un esprit de grande famille. Exilés, les vietnamiens ont trouvé refuge en France, dans des logements souvent exigus, ne disposant pas toujours assez d’espace pour accueillir l’autel des ancêtres familial ; de plus, ils travaillent sans relâche toute la semaine, sans pouvoir libérer le temps nécessaire pour la préparation culinaire des offrandes. Aussi est-il plus évident pour ces personnes de déposer les portraits de leurs parents défunts sur l’autel des ancêtres de la Pagode, devant lequel elles viennent se recueillir aux dates de commémoration et aux grandes fêtes, en particulier les dimanches, jours où elles n’ont pas de contraintes professionnelles et où leurs enfants n’ont pas à se rendre à l’école. Or, la célébration n'est pas faite pour une seule famille mais pour plusieurs familles en même temps. Nous comptons, Madame le Maire, qu’au cours des trente années d’existence de la Pagode Khanh Anh, plus de 600 familles vietnamiennes – familles eurasiennes incluses – nous ont remis les portraits de leurs ancêtres. Ainsi en moyenne dix à vingt familles viennent chaque semaine à la pagode commémorer leurs parents disparus et partager avec leurs amis un repas végétarien dans une ambiance cordiale. Cette activité à la fois bouddhique et culturelle vietnamienne par extension asiatique - ne saurait être confondue avec un service de « restauration » pris dans son sens ordinaire et mercantile. Cette confusion serait une grande méprise tendant à anéantir tout caractère sublime dans la culture et la civilisation. L’arrêté signé le 26 juillet 2005, ordonnant la cessation immédiate de ce que vous qualifiez de « restauration », signifie-t-il alors que nous devons abandonner la pratique du culte des ancêtres, ceux-là mêmes qui se sont sacrifiés pour perpétuer les traditions à travers les générations, même en exil à l’étranger ? Nous reconnaissons que vivre à l’étranger exige de s’adapter et de s’intégrer dans le pays d’accueil. Mais cette assimilation doit-elle se faire aux dépens de nos racines et nos bases culturelles ? Le monde actuel préconise l'augmentation de l'échange multiculturel pour permettre aux gens de vivre ensemble sans perdre leur identité culturelle. Nous pensons que c'est aussi la politique adoptée par la France et le peuple français, qui traditionnellement attachent une grande importance aux valeurs culturelles de l'humanité. Nous ne savons si vous avez considéré les conséquences entraînées par votre arrêté nous imposant de couper immédiatement tout lien avec nos racines, nos traditions et nos coutumes, que nous avons préservées pendant des milliers d’années au prix de nombreux sacrifices, et transmis de génération en génération. Pourtant, vous fondant uniquement sur le rapport unilatéral d’inspection du 26 juillet 2005 qui relate la présence de nombreuses cuisinières dans la cour de la Pagode Khanh Anh, vous en avez déduit une activité importante de restauration dangereuse, qu’il vous fallait suspendre de suite. Madame, comme nous vous l'avons exposé, la pagode n'est fréquentée qu'un jour par semaine, le dimanche, et pendant les trois grandes fêtes bouddhiques annuelles. En temps ordinaire ne sont présents à la Pagode qu’une dizaine de moines résidents. Mais à l’occasion des fêtes, la Pagode peut drainer plus d’une centaine de personnes. Bien qu’un certain nombre de familles se rendent aux cérémonies avec leurs propres plats pour les offrandes, des fourneaux supplémentaires sont nécessaires à la confection de mets supplémentaires. Ceux-ci sont préparés bénévolement à la Pagode afin de répondre aux demandes spécifiques des familles souhaitant offrir à leurs ancêtres les plats préférés de leur vivant. En somme, les mets préparés à la pagode servent à enrichir le repas végétarien que prennent les familles et leurs proches dans le cadre d'une pagode considérée comme leur maison familiale de culte des ancêtres. De façon informelle, les familles font des offrandes à la Pagode, qui couvrent les frais de chandelle. Ce sont les offrandes des fidèles au Bouddha : il n’y a aucune finalité commerciale. Si vous considérez les activités de la pagode Khanh Anh - semblables à celles de la plupart des autres pagodes asiatiques en France et dans le monde - depuis près de trente ans comme étant simplement un commerce de restauration à arrêter sur-le-champ, les bouddhistes vietnamiens ou d'origine asiatique (environ 100 000 personnes en région parisienne, 500 000 en France) ne comprendront pas le point de vue de Madame le Maire de Bagneux sur les coutumes du culte des ancêtres selon la tradition bouddhique dans les pagodes vietnamiennes, comme les pagodes d'origine asiatique. Nous tenons également à vous informer qu’au mois d’août, notre culte bouddhique célèbre la cérémonie de Vu Lan (fête de la Piété Filiale). Elle est l’une des plus importantes fêtes bouddhiques annuelles, comparable à la Toussaint en France. Elle est l’occasion pour les enfants de témoigner de leur respect envers leurs parents et leurs ancêtres, par une semaine de prière et de récitation de sutras, à la fin de laquelle se tient une cérémonie d’offrande de nourriture. Elle est accompagnée de la coutumière cérémonie d’offrande aux membres de la Sangha (communauté de religieux bouddhistes sans distinction de nationalités ni d’écoles). Cette année, cette cérémonie sera célébrée du 14 au 21 août 2005, à la Pagode Khanh Anh de Bagneux. La semaine entière, les fidèles bouddhistes prieront pour leurs parents et ancêtres défunts et prépareront les offrandes pour les membres de la Sangha et l'ensemble des bouddhistes, le 15ième jour du 7ième mois lunaire, soit le 19 août, et plus particulièrement le dimanche 21 août. Entre 100 et 300 personnes affluent généralement à la Pagode, et ce depuis trente ans. Si comme les années précédentes, la température estivale du mois d’août dépasse les 30°c, les fidèles bouddhistes seront amenés à occuper la cour intérieure de la Pagode, d’environ 100m². Seulement, si vous leur interdisez son accès, où les fidèles bouddhistes pourront-ils aller ? Devront-ils se ranger en masse le long de l’avenue Henri Barbusse pour se retrouver et manger ? A l'occasion de cette fête, Madame le Maire, nous voudrions vous inviter à venir participer et vous rendre compte de la réalité des activités de la communauté bouddhiste vietnamienne. Nous vous en remercions d'avance. Au cours de nos trente années d’activités et de conduite de la communauté bouddhique à Bagneux, nous avons rencontré de nombreuses difficultés. Mais l'arrêté que vous avez signé le 26 juillet 2005 constitue pour nous un obstacle majeur conduisant à une impasse et rendant toute activité impossible si tant est qu'il reste une volonté de préserver les us et coutumes de la religion bouddhiste pour les Français d'origine vietnamienne en France. Dans ce cas, que pouvons-nous faire ? Fermer définitivement les portes de la Pagode, dissoudre l’Association Bouddhique, résister jusqu’au bout par la non-violence ou baisser les bras et accepter une décision arbitraire ? Madame le Maire, C’est à contre cœur que nous avons écrit cette longue lettre pour clarifier la nature de nos activités. Nous la transmettons par ailleurs aux organismes officiels cités dans votre arrêté du 26 juillet 2005. Ce courrier sera également adressé aux membres de l’Association Bouddhique Khanh Anh – comprenant les 600 familles dont les portraits des ancêtres reposent sur l’autel de la Pagode - ainsi qu’aux amis français sensibles à la culture et aux traditions vietnamiennes, pour qu’ils prennent connaissance de la situation et qu’ils puissent exprimer leurs opinions en tant que citoyens français. Cette lettre sera aussi envoyée aux différentes associations et pagodes bouddhiques en France et en Europe, dans le but de les informer et de solliciter leurs appréciations (leurs courriers seront directement adressés à Madame le Maire). Cette lettre sera diffusée auprès des instances supérieures de l’Etat, de niveau gouvernemental et parlementaire, afin que les responsables puissent juger librement si la communauté vietnamienne et plus particulièrement de la communauté bouddhique ont été par le passé, sont aujourd’hui ou seront à l’avenir sources de préjudice ou de bienfait envers la France. Dans l’attente de votre réponse pleine de compréhension, nous vous prions d’agréer, Madame le Maire, nos remerciements les plus sincères et l'expression de notre considération distinguée. Venérable Thích Minh Tâm Président de l'Association Bouddhique Khanh Anh Président de la Congrégation Bouddhique Vietnamienne Unifiée en Europe
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