Pagode géante : Les couvreurs chinois se font attendre à Evry
MONSIEUR TRAN et sa famille sont déçus :
comme tous les ans, ils ont fait le voyage de Bobigny (Seine-Saint-Denis) à
Evry pour la traditionnelle Fête de solidarité de la grande pagode. Mais hier,
ils pensaient voir le toit enfin posé sur l'édifice. "Tant pis, ce sera
pour la prochaine fois !", lance dans un grand rire son épouse.
Depuis 1996, elle est mise à rude
épreuve. Financé uniquement par les dons des fidèles de la communauté
vietnamienne, le chantier de la pagode d'Evry, qui sera la plus grande
d'Europe, a fonctionné par intermittence. Depuis deux ans, il est quasiment à
l'arrêt : après avoir réussi à collecter près de 8 millions d'euros, un
véritable exploit, la communauté a achevé le gros oeuvre. L'année dernière,
l'installation du grand bouddha recouvert d'or a été un événement très fort.
Mais le bâtiment n'est toujours pas "hors d'eau" : il manque le toit.
Pourtant, la charpente préassemblée est arrivée depuis longtemps et attend au
pied du bâtiment, à côté des caisses de magnifiques tuiles vernissées,
spécialement confectionnées en Chine. Mais seuls des ouvriers chinois sont
capables de monter ces petits bijoux d'art religieux. "Nous tentons de
faire venir une équipe de 10 ouvriers de Chine depuis un an, mais c'est très
compliqué", explique une responsable du comité Lotus.
Peut-être au printemps L'association,
composée de bénévoles, se perd dans les méandres administratifs entre la France
et la Chine. "Nous allons tenter de simplifier leurs démarches et
d'accélérer le dossier", promet Christian Gravel, collaborateur du maire
(PS) d'Evry, Manuel Valls, présent hier au côté de la communauté vietnamienne.
"On a bon espoir de faire venir l'équipe chinoise cet hiver. Nous avons
déjà promis de les héberger. Cela permettrait de monter le toit au
printemps", poursuit-il. Hier, la journée a aussi permis de collecter des
fonds pour le reste du chantier. La moitié à peine de la pagode est financée
et, même après la pose du toit, il restera encore plusieurs millions d'euros à
trouver. "Et plus on attend, plus c'est cher, explique un fidèle. Nous
faisons tout par nous-mêmes. Parfois, on est un peu découragés. L'année
dernière, Manuel Valls avait demandé une aide de l'Etat sous forme de
subvention culturelle, puisqu'il est interdit d'injecter de l'argent public
dans un projet religieux. Ce stratagème avait été utilisé pour achever la
cathédrale d'Evry en 1998 grâce à Jack Lang, alors ministre (PS) de la Culture.
"Nous allons relancer la demande", a assuré hier le maire. Une
subvention qui serait la bienvenue : une journée comme celle d'hier a permis à
peine de récolter 10 000 €.
EVRY, HIER, 14 HEURES. Une Fête de
solidarité était organisée hier sur le chantier de la grande pagode d'Evry afin
de recueillir des fonds auprès de la communauté vietnamienne. Les bouddhistes
cherchent à faire venir de Chine une équipe d'ouvriers, seul (LP/S.R.)
Sébastien Ramnoux
Le Parisien , lundi 27 septembre 2004
LE TEMOIN DU JOUR
Nous sommes très impatients
PHAI n'a même pas eu le temps de manger.
Du haut en bas de la pagode en construction, il guide les visiteurs, fait
l'accueil à l'entrée, explique sans relâche le rôle de tel bâtiment ou la
signification de telle fête. Au sous-sol de la pagode où des centaines de
fidèles s'arrachent dans la bonne humeur les derniers nems et desserts à la
crème de coco, il attrape un sandwich : "Tout a été vendu, c'est
incroyable !" sourit Phai.
Tant mieux, cela veut dire que nous
allons faire une bonne recette. Le produit des ventes ira directement
au financement de la pagode. Nous sommes très impatients de voir enfin
le toit posé, explique Phai. Il y a des fidèles qui ont donné de l'argent et
qui sont morts sans avoir vu la fin des travaux. C'est dur d'attendre depuis si
longtemps. Depuis deux ans, il est membre de l'Association des amis de
la pagode. C'est un projet très important pour nous : la communauté
vietnamienne n'a pas beaucoup d'endroits pour se réunir et surtout pour
enseigner leurs racines aux jeunes nés en France. Cette pagode, elle est pour
la deuxième génération, celle de mes enfants qui ont 7 et 9 ans. Aujourd'hui,
ils parlent et écrivent vietnamien et j'en suis très fier. Demain, grâce à la
pagode, ils connaîtront mieux leur culture. Quand on sait qui on est, on
s'intègre mieux.
S.R.
Le Parisien , lundi 27 septembre 2004